Le 16 octobre 1984 à seize heures trente, Grégory Gilbert VILLEMIN, âgé d'un peu plus de quatre ans comme étant né le 24 août 1980 à SAINT-DIE, fils de Jean-Marie VILLEMIN, fut recueilli à sa sortie de l'école maternelle de LEPANGES-sur-VOLOGNE, commune des Vosges où ses parents habitaient, par Madame Christine MATHIEU épouse JACQUOT, demeurant en cette localité, HLM Gais Champs, bâtiment 4 n° 19, qui avait mission de le garder en attendant que sa mère, Christine BLAISE épouse VILLEMIN, alors âgée de vingt-quatre ans, couturière à la Manufacture de Confection Vosgienne, dite MCV, vienne le prendre en charge après son travail. L'enfant était vêtu d'un anorak bleu et d'un pantalon en velours vert foncé et avait la tête nue car le temps était très beau ce jour-là.
Vers seize heures cinquante, Christine VILLEMIN vint chercher son fils. Après avoir bavardé quelques minutes avec la gardienne à laquelle elle raconta qu'elle était pressée parce qu'elle devait repasser du linge, elle fit monter Grégory dans son automobile Renault 5 noire à deux portes et regagna son domicile, 4, rue des Champs, en un lieu écarté, sur une colline dominant la vallée de la Vologne, à la lisière d'une forêt où elle et son mari avaient fait bâtir un pavillon confortable en 1981. Il y avait alors en cet endroit deux autres habitations mais l'une d'elles était inoccupée.
Entre dix-sept heures quinze et dix-sept heures trente, Christine VILLEMIN qui, selon ses dires, avait laissé l'enfant jouer sur un tas de sable devant la maison après l'avoir coiffé d'un bonnet de laine, tandis qu'elle-même repassait du linge dans une pièce située à l'arrière de son logement, sortit pour le surveiller mais ne le vit pas. Après l'avoir appelé et cherché en vain, elle interpella Madame Marcelle DROUOT épouse CLAUDON qui, venant d'une pâture située un peu en dessous de la demeure des époux VILLEMIN, regagnait sa ferme sise à quelques centaines de mètres de distance en conduisant un troupeau de trente six vaches, puis son voisin Gilbert MELINE, occupé à balayer ces gravillons au bord de la route et leur demanda s'ils avaient aperçu Grégory. Madame CLAUDON et Monsieur MELINE répondirent par la négative et ce dernier chargea un promeneur de passage, Monsieur Bernard COLIN, d'interroger sa femme qui cousait dans son logement tout proche. Celle-ci n'ayant rien vu, la mère repartit au volant de sa voiture aux HLM Gais Champs et chez les parents d'Aurélien PARISSE, camarade de son fils, près de la poste de LEPANGES, en pensant que celui-ci avait peut-être voulu rejoindre ses compagnons de jeux habituels. Cette recherche, effectuée à vive allure, étant restée vaine, Christine VILLEMIN regagna son domicile en empruntant la rue des Bosquets. Arrivée devant la ferme des époux CLAUDON, elle fut immobilisée quelques minutes par leur troupeau de vaches qui barrait la chaussée. A cet instant, survenait un autobus de ramassage scolaire conduit par Christian CLAUDON, fils de ces exploitants agricoles.
Le même jour, peu après dix-sept heures trente, Michel VILLEMIN, frère de Jean-Marie VILLEMIN, habitant AUMONTZEY (Vosges), village situé à une douzaine de kilomètres de LEPANGES-sur-VOLOGNE, sortit de son domicile sis à proximité de la maison de ses parents Albert et Monique VILLEMIN, héla son jeune frère Lionel, âgé de douze ans et l'invita à chercher d'urgence leur mère qui était allée, en compagnie de son mari, rendre visite à l'une de ses soeurs à peu de distance. A l'arrivée de ses parents, quelques minutes plus tard, il leur raconta qu'il venait de recevoir une communication téléphonique du Corbeau à la voix rauque et déguisée. Selon sa première déposition aux gendarmes, cet interlocuteur inconnu aurait tenu les propos suivants :
"Je te téléphone car cela ne répond pas à côté. Je me suis vengé du chef et j'ai kidnappé son fils. Je l'ai étranglé et je l'ai jeté à la Vologne. Sa mère est en train de le rechercher mais elle ne le trouvera pas. Ma vengeance est faite."
Monique VILLEMIN téléphona aussitôt à sa bru pour la mettre en garde. Ne réussissant pas à la joindre, elle alerta successivement son fils Jean-Marie à l'usine AUTO-COUSSIN de LACHAPELLE-devant-BRUYERES, Gilberte CHATEL veuve BLAISE, mère de Christine VILLEMIN, demeurant à BRUYERES, et la gendarmerie de cette localité. Il était alors environ dix-sept heures quarante cinq. cinq minutes plus tard, les gendarmes furent à nouveau prévenus par la mère de l'enfant qui semblait au comble de la détresse.
A l'annonce de la disparition de son fils, Jean-Marie VILLEMIN regagna en hâte sa maison, saisit une carabine et se précipita à GRANGES-sur-VOLOGNE au domicile de Roger JACQUEL, beau-père de son frère aîné Jacky VILLEMIN, qu'il soupçonnait d'être le Corbeau et d'avoir enlevé l'enfant, afin de délivrer celui-ci ou de le venger, mais la vue d'une voiture qu'il prit pour celle des gendarmes le fit renoncer à son projet.
A LEPANGES où Gilberte BLAISE, les époux Albert VILLEMIN et leur fils Michel étaient arrivés ainsi que les gendarmes de BRUYERES, les recherches s'organisèrent aussitôt. Les bois des alentours, puis la vallée de la Vologne furent explorés. A vingt et une heures quinze des pompiers découvrirent le cadavre de Grégory VILLEMIN dans la Vologne, au lieu-dit Derrière le Moncey, au centre de l'agglomération de DOCELLES, village d'un millier d'habitants situé à six ou sept kilomètres en aval de LEPANGES. Le corps, dont la tête émergeait de l'eau, était adossé à un barrage déversoir à une dizaine de mètres au-delà d'une passerelle dite Pont Bailey, franchissant la rivière pour relier la rue de la Vologne à la rue du Moncey, un peu après la jonction de ce cours d'eau avec son affluent le Barba et avec le canal d'une papeterie voisine.
L'enfant portait son anorak bleu à parements verts et oranges, son pantalon vert foncé et ses souliers bleus. Sa tête était coiffée de son bonnet de laine bleu marine, blanc et bleu roi, enfoncé jusqu'à la base du cou. Ses chevilles et ses poignets étaient liés au moyen de cordelettes mal serrées par des noeuds de tisserand, ressemblant à des noeuds à flot mais d'une facture plus compliquée. Une autre cordelette semblable entourait le cou de l'enfant. Celui-ci, dont les membres étaient encore souples, semblait dormir paisiblement. Aucune trace de violence n'était visible.
Le lendemain, une lettre postée à LEPANGES le 16 octobre 1984 et portant le cachet de 17 heures 15 fut apportée au domicile de Jean-Marie VILLEMIN. Elle était adressée à celui-ci et son texte était le suivant :
"J'espère que tu mourras de chagrin le chef. Ce n'est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils. Voilà ma vengeance, pauvre con."