Suite à commission rogatoire ordonnée par le juge d'instruction d'Epinal, Jean-Michel LAMBERT, le professeur Gérard de REN et le docteur Elisabeth PAGEL, médecins légistes à Nancy, sont chargés de pratiquer une autopsie sur le corps de Grégory VILLEMIN. Elle sera effectuée le 17 octobre à 16 heures, en présence du juge d’instruction lui-même, ainsi que de deux gendarmes.
Examen extérieur du corps et premier constat
- Les vêtements sont propres.
- Aucun hématome.
- Aucune ecchymose hormis une légère observée après le décollement du cuir chevelu.
- Pas de lésions ou de traces de défense (pas de griffures, ni d'égratignures, Grégory ne semble donc pas s'être débattu au moment du ligotage, ou en ayant tenté de se libérer de ses liens).
- Des champignons de mousse sont observés au niveau de la bouche et des narines (Grégory a probablement respiré sous l'eau ou à la surface de l'eau).
- Les lèvres étaient cyanosées.
Examen intérieur du corps et second constat
- Les poumons sont distendus et présentent de nombreuses tâches de Tardieu.
- La présence d’une faible quantité d’eau dans les poumons est constatée.
- Des résidus ressemblants à des morceaux de pomme, ainsi qu'une faible quantité d'eau sont observés dans l'estomac.
- Des prélèvements de sang et d’une partie d’un poumon seront effectués (le pharmacien METAIZEAU ne trouva aucune trace d'alcool dans le sang. Le docteur LEBRETON, expert en toxicologie ne décela aucune trace de liquide volatil ni anesthésique comme l'éther ou alcool à 90° ou chloroforme).
- Le foie et reins étaient congestifs (accumulation d'un liquide dans un organe).
Omissions
- Le sang ne sera pas prélevé en quantité suffisante pour établir un bilan toxicologique complet.
- Malgré l'insistance des médecins légistes, le juge LAMBERT ne juge pas nécessaire de pousser l'autopsie jusqu'à l'analyse des diatomées. Ainsi les viscères, de Grégory, le coeur, le cerveau, la moelle osseuse, les reins et le foie ne seront pas prélevés pour analyse.
- La petite quantité d’eau constatée dans les poumons ne sera pas analysée.
Ce qui ne permettra pas plus tard d'affirmer avec exactitude le fait que Grégory est mort noyé, ni de savoir où cette noyade serait survenue. Baignoire? Vologne? De plus, l'analyse toxicologique aurait pu déterminer si Grégory avait été drogué ou pas avant son immersion.
Conclusion du rapport d'autopsie
Le 10 novembre, le rapport d'autopsie établi par le professeur Gérard DE REN et le docteur Elisabeth PAGEL est envoyé au juge LAMBERT.
En conclusion de toutes ces constatations, nous répondrons à notre mission de la manière suivante.
La mort de l'enfant Grégory VILLEMIN nous semble être directement et exclusivement en rapport avec une submersion vitale, cette submersion vitale étant en rapport en partie avec une submersion asphyxie, et en partie avec une submersion inhibition.
- Le champignon de mousse que nous avions constaté à l'examen extérieur du corps au niveau et de la bouche, la cyanose des lèvres, la distension des des deux poumons, et la congestion du parenchyme pulmonaire, les tâches de Tardieu au niveau des deux poumons, la distension de l'oreillette droite, la congestion du foie, la quantité moyennement abondante au niveau de l'estomac, l'oedème pulmonaire d'intensité modérée avec congestion vasculaire souvent importante constatée à l'examen anatomo-pathologique, nous permettaient de penser que la mort était en rapport avec submersion asphyxie.
- Nous pouvions penser qu'à ce mécanique asphyxique s'était intriqué un mécanisme d'inhibition. En effet, nous avons constater qu'à l'examen anatomo-pathologique, l'oedème pulmonaire était d'intensité modéré, et nous avions qu'à l'examen extérieur du corps qu'en dessous des liens qui maintenaient les mains et les pieds de l'enfant, il n'existait aucune blessure vitale (aucune ecchymose, aucun sillon à caractère vital de striction). Les plis que nous avons constatés au niveau des deux poignets avaient toutes les caractéristiques de plis de striction post-mortem. Si l'enfant s'était débattu, nous pouvons raisonnablement penser que des blessures vitales de striction seraient aperçues au niveau des poignets. Nous pouvons donc penser que, après un bref épisode de mécanisme asphyxique, c'est le mécanisme d'inhibition ayant pu être favorisé par le contact du corps dans l'eau froide, entraînant très rapidement un arrêt respiratoire suivi d'un arrêt cardiaque et de la mort de l'enfant.
En conclusion, nous pouvons donc dire que la mort de l'enfant Grégory VILLEMIN est directement et exclusivement en rapport avec une submersion vitale, asphyxique et inhibitrice.
NANCY, le 10 novembre 1984
Pr. G. De REN. Dr. E. PAGEL.
Complément d'autopsie
A la demande du juge LAMBERT, une demande de complément d'autopsie est formulée le 16 novembre 1984 auprès du professeur Gérard de REN. La réponse a cette demande sera envoyée au juge le 20 novembre 1984.
Monsieur LAMBERT
Juge d'instruction
TRIBUNAL de GRANDE INSTANCE
88000 EPINAL
Vandoeuvre, le 20 novembre 1984
Monsieur le juge d'instruction,
En réponse à votre lettre du 16 novembre 1984, Mademoiselle PAGET et moi-même nous permettons de vous donner les précisions suivantes :
- Le décès du petit Grégory VILLEMIN peut être considéré comme imputable à une submersion-asphyxie suivie d'une submersion-inhibition (ceci résultant, tant des constatations extérieures que des résultats histologique). Ceci signifie que l'enfant a été jeté vivant à l'eau et qu'en conséquence, il a respiré dans l'eau et donc inhalé et ingéré une quantité peu abondante d'eau. Mais, très rapidement, en l'espace de quelques secondes, l'enfant a été victime d'une submersion-inhibition, autrement dit, il a présenté un arrêt respiratoire d'origine réflexe, très probablement dû au contact de l'eau froide.
- La succession de ces deux phénomènes s'est enchaînée dans le temps en l'espace de quelques secondes. Ceci permet d'éliminer l'hypothèse selon laquelle l'enfant aurait pu être noyé dans une baignoire puis jeté dans l'eau. Dans ce cas, l'enfant serait mort des suites exclusives d'une submersion-asphyxie. Dans le cas présent, la succession dans un temps très court d'une submersion-asphyxie puis d'une submersion-inhibition permet, nous semble-t-il, de conclure au fait que l'enfant vivant a été jeté dans les eaux froides de la Vologne.