Le 16 octobre 1984, le capitaine de gendarmerie Étienne Sesmat se trouve sur les bords de la Vologne, dans les Vosges, alors qu'on retire des eaux le corps du petit Grégory Villemin. Il ne se doute pas en cet instant que ce drame va devenir l'une des plus grandes dérives judiciaires des vingt années à venir...Très vite, " l'affaire Grégory " défraie la chronique et divise l'opinion.
Pour le capitaine Sesmat, qui sera le premier à conduire l'enquête, le crime de la Vologne n'est pas seulement une énigme policière, c'est aussi et surtout un monstrueux gâchis. Pourquoi en effet a-t-il fallu neuf années à la justice pour parvenir aux mêmes conclusions que les gendarmes après trois semaines d'investigations intensives ? Pourquoi les a-t-on dessaisis au profit de la police alors qu'ils touchaient au but ? Pourquoi ce dossier s'est-il enlisé dans l'un des pires chaos judiciaires et médiatiques qu'a connus notre pays ? Aujourd'hui, Étienne Sesmat n'est plus tenu par le devoir de réserve qui s'impose aux militaires d'active. Parce qu'il peut enfin parler librement, il répond aux accusations dont la gendarmerie a été la cible. En ce sens, son témoignage constitue un document exceptionnel, car s'il apporte une vision objective des faits, il livre aussi la vérité d'un homme confronté malgré lui à un dossier criminel hors du commun, et à un système judiciaire qu'il a toujours servi avec confiance mais qui a failli.
Né en 1954, Étienne Sesmat est lorrain. Après des études militaires à Saint-Cyr, il choisit la gendarmerie et débute sa carrière à Versailles, puis est nommé commandant de la compagnie de gendarmerie d'Épinal, dans les Vosges. Après différentes affectations en métropole, dans les DOM-TOM et à l'étranger, il terminera sa carrière à Marseille avec le grade de colonel, aux fonctions de chef d'état-major.Extrait du livre :Que sait-on de l'assassinat de Grégory ? Qui l'a tué et pourquoi ? Par quels biais ce dossier a-t-il connu tant de péripéties et produit un pareil imbroglio judiciaire et médiatique ? Ces questions-là méritent d'être posées.Ce que j'appelle Les Deux Affaires Grégory.«J'espère que tu mourras de chagrin le chef...»L'affaire Grégory est un assassinat d'enfant. Assassinat veut dire meurtre avec préméditation. Donc une mort voulue, pensée, programmée. Bien des enfants paient de leur vie les perversions, la folie, la cupidité ou l'égoïsme des adultes. On les voit victimes d'abus sexuels, de démences aveugles, de maltraitances et violences familiales, ou d'enlèvements contre rançon. Rien de tel dans la mort de Grégory. Pas d'histoire de sexe, de question d'argent, de rôdeur psychopathe ou de tueur en série, ni drame familial ni maltraitance. Grégory a été assassiné pour un autre motif : la haine. Une haine alimentée par deux autres sentiments malsains et souvent associés : la jalousie et le désir de vengeance. Mais il a fallu que l'assassin soit en proie à une immense folie pour en arriver à tuer de sang-froid un enfant de quatre ans ! Cette sorte de folie peut se dissimuler derrière un comportement normal et une vie des plus anodines. Tapie au fond d'une conscience malade, elle peut croître au fil du temps pour exploser subitement. La jalousie, le désir de vengeance et la haine, même greffées sur des causes apparemment futiles, sont des leviers très forts de violence.Cette affaire met en jeu tous ces éléments. C'est pourquoi elle est hors du commun.
Grégory est assassiné non pas pour ce qu'il est mais pour ce qu'il représente : l'amour et la fierté d'un homme, son père, auquel on n'ose pas s'attaquer directement.Je n'ai pas retrouvé, dans nos annales judiciaires récentes, de cas similaire de meurtre d'enfant. Autre singularité : l'assassin est un «corbeau», soit un individu qui s'en prend anonymement à d'autres individus par le biais d'appels téléphoniques ou de lettres, et pour des raisons très variées. Des manifestations verbales ou écrites qui s'accompagnent souvent de menaces, de chantages ou d'ultimatums. De tels agissements, relativement fréquents, se rencontrent dans tous les milieux et touchent l'environnement familial, social ou professionnel. En revanche, il est exceptionnel qu'un corbeau concrétise ses intentions malveillantes, car l'anonymat traduit précisément son impuissance à exprimer ouvertement ses sentiments et à passer à l'acte. Or, nous avons ici l'exemple d'un corbeau qui a mis ses menaces à exécution, allant jusqu'au meurtre d'un enfant annoncé près de deux ans auparavant.
Auteur
Etienne SESMAT
Année
2006