Grégory Villemin

Extrait de la première déposition de Christine Villemin à la Gendarmerie de Bruyères (88600), le 17 octobre 1984 le lendemain de l'assassinat de son fils.

(Christine Villemin) Je suis la maman du petit Grégory qui était notre seul fils. Le mardi 16 octobre, j'ai quitté mon travail vers 16h55. Comme tous les jours. Comme tout le monde. A la manufacture de Confection Vosgienne de Lépanges, on sort un peu avant 17h pour que celles qui habitent loin ne ratent pas leur train. La gare est toute proche. Moi c'est pas mon problème. J'habite Lépanges et je viens en voiture. Donc à la sortie de l'usine, je reprends ma Renault 5 et je passe chez la nourrice, Christine Jacquot, aux HLM du "Gai champ". Un peu au dessus de la départementale 44, avant la sortie de Lépanges. Je reprends mon fils que Christine Jacquot est allée chercher à la sortie de l'école, à 16h 30.

(Gendarme) Vous vous attardez chez la nourrice?

(Christine Villemin) Non. On échange quelques mots. Si ça s'est bien passé, si Grégory a été sage. Mme Jacquot le garde en fonction de nos horaires, selon le travail de mon époux, Jean -Marie. S'il est en équipe le matin ou pas. Après être passé chez la nourrice, je rentre en voiture chez moi. Directement. Grégory veut jouer devant le pavillon, sur le tas de gravier. Il aime faire tourner ses petites voitures autour. Il joue ainsi tous les jours jusqu'à 17h30, 17h45. Il a son anorak, mais pas de bonnet. Je vais lui en chercher un, je le lui mets en disant : "surtout ne t'éloigne pas". Moi je rentre. Les volets de la maison, mon mari les a fermés à 13h. J'enlève mon manteau et je me déchausse. Dans la salle à manger, j'allume la chaîne Hi FI. Très fort, pour l'entendre de la pièce où je repasse, située sur le derrière de la maison.

(Gendarme) Vous vous souvenez du programme?

(Christine Villemin) Oui. Les Grosses Têtes sur RTL

(Gendarme) d'où vous repassez, vous entendez les bruits extérieurs?

(Christine Villemin) Déjà, avec le double vitrage, on n'entend presque rien. Alors avec la radio en plus... Ensuite à 17h30, je débranche mon fer pour faire rentrer mon fils. J'éteins la chaîne. Attendez, à ce moment-là, je crois qu'il y a eu une pub pour la "vache Grosjean". Enfin il pouvait être 17h35 ou 36, parce que l'horaire de programmation du chauffage électrique avait dépassé 17h30. J'ouvre la porte, je ne vois pas Grégory. Je fais le tour de la maison. Je rentre. Il s'est peut-être caché dans une pièce. Personne. Je monte chez les Méline. Nos voisins. Leur ferme est à une cinquantaine de mètres au dessus de chez nous. Grégory y va souvent. M. Méline est justement au croisement entre nos maisons. Il n'a pas aperçu mon fils, mais il me conseille d'aller questionner son épouse.
A ce moment là, un autre voisin, Bernard Colin, passe devant nous. C'est l'heure de sa promenade avec son chien. M. Méline lui dit "Quand vous serez devant chez moi, demandez voir si Grégory n'est pas avec ma femme" Ce qu'il fait. Mme Méline sort et nous crie qu'elle n'a pas vu mon garçon. Je rentre à la maison. J'appelle. Pas de réponse, je préviens M. Méline que je prends ma voiture et...je demande à M. Méline de surveiller alentour, le temps que je revienne. Je ferme ma porte à clé. Je prends ma voiture et je descends au village chercher mon fils. D'abord je m'arrête chez la nourrice, Christine Jacquot. Grégory est peut-être revenu jouer avec son fils.

(Gendarme) Il était quelle heure?

(Christine Villemin) 17h40 je crois, parce que j'ai été bloquée en sortant de chez moi par Marcelle Claudon qui rentrait ses vaches. Elle rouspétait qu'elle était en retard, et que d'habitude ses vaches sont à l'étable pour 17h30.
Je cherche au village. Toujours pas de Grégory. Je remonte par l'autre route, celle du lotissement, la plus longue pour revenir chez moi. Je demande aux gens que je rencontre s'ils ne l'ont pas vu.

(Gendarme) Quand rentrez-vous chez vous?

(Christine Villemin) Vers 17h 45 ou 17h 50. De toute façon avant 18h car il ne faisait pas encore nuit. Je pense alors à téléphoner à mon mari à l'usine Autocoussin., à La Chapelle. Je veux qu'il rentre, qu'il m'aide. A ce moment là je reste persuadée que mon fils s'est aventuré dans un petit chemin et qu'il joue. A peine rentrée le téléphone sonne. Ma mère. Elle m'apprend que mon beau-frère, Michel Villemin, a reçu un coup de fil anonyme. Non! je rectifie. D'abord ma mère me dit de rentrer Grégory et de nous enfermer dans la maison. Je lui dis " Grégory a disparu, je le cherche" Elle crie. Je comprends mal. Elle parle d'un coup de fil...elle dit "j'arrive". Et elle raccroche. Le téléphone se remet à sonner. Cette fois c'est ma belle mère. C'est elle qui m'apprend le coup de fil anonyme, que Grégory a été kidnappé par "LUI", et qu''IL" l'a jeté dans la Vologne, et qu'"IL" a ajouté "c'est ma vengeance". C'est ma belle mère qui a appelé mon mari. Moi, malgré ma panique, je téléphone aux gendarmes de Bruyères. Je leur explique. C'est alors que Jean-Marie surgit. Je veux lui passer le téléphone. Il ne veut rien entendre. Il décroche sa carabine. Je m'interpose. Il me bouscule, sort et redémarre.